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La chronique du mal-être

Le mal-être, ce doux parfum de nihilisme en solde sur tout le territoire, ce sentiment diffus qui s’infiltre dans les pores comme une crème hydratante trop agressive. Qui aujourd’hui n’a jamais ressenti cette délicieuse mélancolie, ce vertige existentiel qui nous chatouille de bon matin, entre un café trop brûlant et les enfants bruyants et c’est l’angoisse de la journée qui s’annonce ?

Le symptôme moderne : L’anxiété périodique

Il y a des matins où l’on se réveille avec l’impression que le monde nous a oubliés. Pas dans le sens où il ne nous remarque plus, non. Pire que cela. Dans ce silence lourd, on sent que l’univers a continué sans nous, qu’il tourne, indifférent, alors que nous restons là, immobiles, à contempler une existence qui ne répond plus.

La lente érosion de l’âme

Le mal-être moderne, ce n’est pas une crise aiguë, une explosion soudaine de douleur. Non, c’est une érosion lente. Jour après jour, une part de nous se dissout, s’évapore dans l’air ambiant, imperceptible aux autres, mais bien réelle pour celui ou celle qui la subit. Ce n’est pas un cri de douleur, c’est un soupir, long, interminable. On ne sait plus vraiment quand tout a commencé, mais on sent bien que c’est là pour rester.

Autrefois le mal-être se résumait à l’angoisse existentielle d’un Jean-Paul Sartre qui se demandait pourquoi le monde était aussi absurde alors qu’il avait pourtant une pipe bien remplie et un chapeau élégant. Aujourd’hui, c’est plus complexe, on à l’impression d’être aussi utile à la société qu’un chargeur d’iPhone dans une réunion de Greenpeace.

L’angoisse quotidienne c’est un peu comme la tartine brûlée du matin : on la connaît, on sait qu’elle sera là, mais on espère quand même qu’un jour le grille-pain fonctionnera correctement. Spoiler alert : il ne le fera jamais.

Bienvenue dans l’ère de l’insatisfaction chronique à la française, on parle souvent de l’absurde, de cette vision existentialiste où tout n’a aucun sens. Mais aujourd’hui, le mal-être, ce n’est même plus l’absurde. C’est le vide. Ce moment, dans le silence de la nuit, où l’on se demande si tout ça valait vraiment la peine, où l’on guette une réponse dans l’obscurité, mais où seul le silence nous répond, cruel et définitif.

La routine du vide

Chaque jour ressemble à l’autre, avec une précision machinale.
Le réveil sonne, on ouvre les yeux, mais pourquoi ? La société moderne nous a promis une vie meilleure, mais tout ce qu’elle nous offre, c’est une course effrénée dans laquelle on ne sait plus vraiment pourquoi on court.
Le lundi, on reprend la routine, ce gouffre sans fond. Le mardi, on commence à sentir la lassitude. Le mercredi, on se demande si on arrivera au bout de la semaine. Jeudi, c’est le corps qui parle, qui réclame un répit que l’on sait impossible. Vendredi, enfin, l’espoir d’un répit, mais même ce répit est vidé de sens, car le samedi ressemble au vendredi, et dimanche… dimanche, c’est le jour du bilan. Celui où l’on réalise que rien n’a changé. Que rien ne changera. Peut-être que la vie n’est pas si mal après tout, pense-t-on… jusqu’à ce que l’on consulte le solde bancaire. Ah, la douloureuse réalité du week-end sans le sou, où le seul voyage que l’on puisse s’offrir est une balade introspective entre le canapé et le frigo.

Et que dire du week-end, ce bref interlude dans la grande pièce du néant quotidien ? On espère pouvoir s’y ressourcer, y trouver un peu de paix. Mais le samedi passe en un souffle, emporté par des obligations qui n’ont pas plus de sens que celles de la semaine. Le dimanche, quant à lui, est hanté par l’ombre du lundi à venir. On se retrouve seul, face à ce vide intérieur que l’on a tenté de fuir toute la semaine. Et là, dans le silence de la fin du jour, on réalise que l’on ne fait que survivre, et non vivre.

Les réseaux sociaux : un pharmakon* digitale

Aucune chronique du mal-être moderne ne serait complète sans un clin d’œil à notre cher ami Instagram et Facebook, ces réseaux où tout le monde vit une vie plus belle que la vôtre. Tout le monde y est en vacances, heureux, avec des corps bronzés et des salades parfaitement composées. Vous, en revanche, vous êtes coincé dans votre appartement, à regarder votre reflet dans l’écran noir d’une télé qui vous juge. Le téléphone devient alors à la fois le remède et le poison : une « illusion de connexion » dans une réalité d’isolement qu’il faut que je vous parle !

L’Illusion de la Connexion
On nous a promis que les réseaux sociaux nous rapprocheraient. Qu’ils nous aideraient à nous sentir moins seuls. Mais quel cruel mensonge. Tout ce que l’on y trouve, ce sont des vies que l’on ne vivra jamais, des rêves qui ne seront jamais les nôtres. On scrolle, on scrolle encore, espérant trouver une trace de vie, une lueur d’espoir. Mais ce qu’on y trouve, c’est cette profonde solitude, amplifiée par la lumière froide de l’écran. Chaque photo, chaque sourire affiché à l’écran est une preuve supplémentaire de notre propre isolement, de cette distance infranchissable entre nous et le monde.

Le burn-out, un sport national

Autrefois réservé à une élite de cadres supérieurs, le burn-out est désormais un sport de masse. Il s’immisce dans tous les secteurs : des postiers aux jeunes créateurs de start-up, tout le monde court vers ce saint Graal de l’épuisement professionnel. C’est la nouvelle quête de sens : souffrir pour mieux légitimer son existence. Le bonheur ? Une chimère pour les naïfs. La vraie gloire, c’est de pouvoir dire « je suis à bout », et recevoir une vague d’approbation virtuelle de ses pairs.

Mais rassurons-nous, car nous avons trouvé des solutions. Les applications de méditation, par exemple, qui vous promettent la paix intérieure en échange de quelques euros par mois. Là où la psychanalyse prenait des années, la pleine conscience prend 10 minutes. Le capitalisme a optimisé l’angoisse et la réponse à celle-ci : soyez stressé, puis payez pour ne plus l’être… jusqu’au mois suivant.

Le burn-out, ce n’est pas juste de la fatigue. C’est ce moment où l’on réalise que tout ce pour quoi on s’est battu n’a plus aucun sens. Que les sacrifices faits pour arriver là où nous sommes n’étaient que des illusions, des promesses vides. On pensait qu’il y aurait une récompense, une lumière au bout du tunnel. Mais le tunnel est sans fin, et la lumière, elle, est une hallucination.

Une fuite sans espoir ?

La vérité, c’est qu’on aime notre mal-être. Il est devenu une sorte de badge d’honneur, un signe que nous avons compris la farce cosmique. Il ne s’agit plus de chercher un sens à la vie, mais de savoir comment survivre dans ce grand bazar. Et tant qu’on peut partager ses lamentations sur Twitter, avec un petit mème ironique à la clé, on se dit que ça vaut peut-être la peine de continuer encore un peu.

Alors, souriez ! La vie est absurde, oui, mais elle est à nous. Et si le poids du monde devient trop lourd, il reste toujours les soldes sur les applications de thérapie en ligne. Parce qu’au final, le mal-être est peut-être notre seule véritable réussite collective … à la française.

Le mal-être, c’est cette fatigue sans fin, ce poids sur nos épaules que l’on ne peut plus porter. C’est cette impression d’être piégé, sans échappatoire, condamné à revivre les mêmes jours, encore et encore, sans possibilité de s’en extraire. Les petits plaisirs de la vie, autrefois lumineux, ne sont plus que des souvenirs lointains, des ombres que l’on tente en vain de retrouver.

Les thérapies, les médications, les solutions numériques… Tout cela ne fait que repousser l’inévitable. Car au fond, ce n’est pas le stress, ni l’anxiété que l’on combat. C’est ce vide intérieur, cette absence de sens qui nous étreint lentement, jour après jour, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, si ce n’est une question sans réponse.

Je voudrai finir par une conclusion qui n’en est pas une !

Il n’y a pas de fin à cette chronique, pas de message d’espoir, pas de lueur au bout du tunnel. Le mal-être n’est pas une phase, ce n’est pas quelque chose que l’on peut surmonter avec une citation inspirante ou une séance de méditation. Il est là, enraciné, dans nos vies, dans notre quotidien. Il est devenu la toile de fond de nos existences modernes, et nous n’avons d’autre choix que de l’accepter.

Peut-être qu’au fond, le seul réconfort, c’est de savoir que nous ne sommes pas seuls dans cette solitude partagée. Que d’autres ressentent, eux aussi, cette absence de sens, cette profonde tristesse.

David SCHMIDT

*En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire.

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