La Satire de David

Musique en France : Du Yéyé à la Zumba

Comment la France danse avec la musique depuis 60 ans

La musique… Ce miroir de la société qui, autrefois, nous renvoyait des poèmes, des cris de révolte, des manifestes déguisés en chansons d’amour. Et aujourd’hui ? Eh bien, il suffit d’allumer la télé pour se rendre compte que la France musicale a troqué ses plumes d’antan pour des hashtags et des « nanana » sans fin.

La France, le pays de grands vins, de fromage et de modes musicales qui auraient dû rester dans les cartons. Depuis les années 60, la musique française a réussi l’exploit de passer d’une imitation pâle du rock’n’roll à une soupe électro-pop indigestible, en oubliant au passage de créer un vrai tube.

Permettez-moi en tant que journaliste ayant traîné mes guêtres dans ce domaine depuis plus longtemps que certains artistes n’ont même vécu, de poser la question qui dérange :

Où sont passés les grands textes, ceux qui avaient quelque chose à dire ? Où sont les mots qui faisaient vibrer les cœurs et bouillonner les esprits ? Aujourd’hui, on a l’impression que les paroles des chansons se sont égarées quelque part entre un dictionnaire pour enfants et un compte TikTok.

Les années 60 et 70 : Quand les paroles avaient une âme

Il fut un temps et je parle d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, où la musique ne se contentait pas de divertir. Non, elle bousculait, elle interpellait, elle portait des idées. Prenez un Georges Brassens, qui avec une guitare et une moustache, pouvait évoquer tout à la fois l’anarchie, la liberté, la mort et l’amour d’une manière si fine qu’on en oubliait presque que ses textes étaient plus subversifs qu’un discours à l’Assemblée.

Les années 60, c’est l’époque où la France se dit qu’elle aussi mérite son Elvis. Sauf qu’au lieu d’un King du rock, on se retrouve avec Johnny Hallyday, le gars qui crie « Allumez le feu ! » tout en demandant si maman est d’accord pour sortir après 21 heures. Les Yéyés, c’est notre version du rock’n’roll : propre sur lui, gentil, et un brin ennuyeux, un peu comme une soirée raclette sans vin blanc.

Figure emblématique : Claude François, le chanteur qui a tout compris à l’électricité… sauf à l’utiliser correctement.

Dans les années 70, un Michel Sardou, pourtant pas réputé pour son progressisme, pondait des chansons qui au-delà des mélodies racontaient des histoires, peignaient des tableaux.

« Le France », c’était plus qu’un bateau : c’était une métaphore d’un pays en déroute. Aujourd’hui ? Un bateau, c’est juste… un bateau. Ou pire, un décor pour un clip où l’on danse en playback.

Les années 70, c’est là que la France décide de se lâcher, mais avec un sens du timing digne d’un sketch raté. On se met à chanter des textes aussi longs que le Code civil, sur des musiques qui durent plus longtemps qu’une réunion de copropriété. Les concerts ressemblent à des messes hippies où personne ne sait vraiment pourquoi il est là, et où même les artistes semblent regretter d’être montés sur scène. Bref, une belle époque pour les insomniaques.

Figure emblématique : Michel Sardou, le gars qui te chante les yeux dans les yeux qu’il ne quittera jamais l’Hexagone… mais qui rêve secrètement de l’Amérique. « Le France, c’est pas un bateau, c’est une galère! ».

Et que dire de Léo Ferré ?

Ce génie qui mélangeait poésie et révolte, érigeant ses chansons en pamphlets. Lui n’aurait jamais chanté « Bella ciao » pour vendre du soda. On vivait dans une époque où les paroles prenaient aux tripes, où chaque mot comptait. Quand un artiste écrivait une chanson, il ne se contentait pas de chercher une rime facile, il cherchait une vérité.

Les années 80 et 90 : Quand le sens commençait à se diluer

Dans les années 80, la France a découvert le synthétiseur… et elle n’en est jamais vraiment remise. Les paroles ont commencé à perdre un peu de leur poids, étouffées sous une avalanche de sons électroniques. Mais même là, Jean-Jacques Goldman, malgré toute sa production pop, savait encore écrire des chansons à texte. Allez écouter « Envole-moi » ou « Il suffira d’un signe ». Ce n’était peut-être pas la révolte de Mai 68, mais ça racontait quelque chose, ça vous accrochait encore.

Les années 80, c’est le moment où la France découvre les synthétiseurs comme un enfant découvre les feutres : on en met partout, surtout là où il ne faut pas. Les coupes mulet sont à la mode, tout le monde danse comme s’il avait une crampe, et les clips vidéo sont aussi kitsch qu’un sapin de Noël en plein mois d’août. En gros, c’est la décennie où la France décide de faire n’importe quoi… et le pire, c’est que ça marche.

Figure emblématique : Jean-Jacques Goldman, le mec qui te vendrait un dictionnaire en te faisant croire que c’est une histoire d’amour. « Je marche seul… et ça se comprend. »

Les années 90 : Le rap français ou comment devenir poète en survêt

Puis sont arrivées les années 90, avec le rap français qui à ses débuts portait une voix, celle du peuple populaire. Le rap, c’était le poing levé, la colère des quartiers qui trouvait enfin une caisse de résonance. IAM, NTM, MC Solaar… On était encore loin des lyrics creux de certaines productions actuelles. A cette époque, les punchlines claquaient comme des manifestes, les textes rappaient la vie, la vraie. Ils dénonçaient, critiquaient, éveillaient les consciences. Bon, ça ne rimait pas toujours parfaitement, mais au moins ça essayait.

D’un coup, des gars en survêt débarquent et te balancent des rimes comme des pavés. Enfin, pavés… disons des galets. Le rap devient le moyen de dire « je t’aime » à ta cité avec des mots que même ta grand-mère ne comprend pas. Et bien sûr, la France se met à danser sur ces morceaux comme si elle avait compris quelque chose. Spoiler : non.

Figure emblématique : NTM, le duo qui t’explique la vie en trois mots : « Nique Ta Mère ». Subtil, non ?
« Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? »   Rien, visiblement.
Oui , il y a eu aussi IAM avec je danse le Mia et toussa toussa …

Les années 2000 : La télé-réalité prend le relais.

Puis est arrivée la grande décennie de la Star Academy et des télé-crochets.
Les années 2000, ce moment où l’on a décidé que pour devenir chanteur, il suffisait de savoir pleurer à la caméra et d’avoir une jolie voix. Le texte, lui ? Bof, on pouvait bien s’en passer. Une ritournelle suffisait. Un « Je t’aime » ici, un « pour toujours » par là, et hop, une chanson !

Ce fut l’époque où les paroles des chansons ont commencé à ressembler à des cartes postales sentimentales. L’époque où l’on a troqué la subtilité des mots pour des « La la la » qui remplissent les couplets quand on ne sait plus quoi dire. Les chanteurs sortaient d’une fabrique où le talent d’écriture semblait être une option facultative, et la qualité des textes, elle, a doucement pris la poudre d’escampette.

Les années 2000, c’est l’époque où la France se dit que créer des stars, c’est facile : un peu de télé, beaucoup de larmes, et hop, une nouvelle vedette pour les trois prochains mois. Pendant ce temps, les DJ’s deviennent les rois de la nuit, remixant des tubes comme si les originaux n’étaient pas déjà assez insupportables. Les chanteurs sortis de télé-crochets disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus, mais la France continue d’y croire, comme un enfant qui espère encore que le Père Noël existe.

Figure emblématique : Grégory Lemarchal, le chanteur qui a fait pleurer la France entière…

Les années 2010 et aujourd’hui :
Quand la forme a définitivement pris le dessus sur le fond

Et nous voilà dans les années 2010, où tout le monde se mélange : la pop, le rap, l’électro, le trap… Mais là où l’on s’attendait à un festival de créativité, on se retrouve avec un gloubi-boulga de paroles qui auraient difficilement tenu tête à une rédaction de CE2.

Prenez un tube récent, n’importe lequel, et écoutez bien les paroles. Vous y trouverez quoi ? Des « baby« , des « yeah« , des « oh-oh-oh » et des refrains qui se répètent en boucle comme si l’auditeur avait perdu la capacité de comprendre plus de trois phrases à la suite. Et le pire, c’est que ça marche. Le streaming a tué le texte : tout doit être court, accrocheur, facile à mémoriser pour passer sur les réseaux sociaux. On est passé de « Ne me quitte pas » à « Tu vas me manquer, nanana« , et personne ne semble vraiment s’en offusquer.

Même les rappeurs qui autrefois utilisaient le verbe comme une arme, semblent aujourd’hui plus intéressés par le placement de marques de luxe que par la critique sociale. Les punchlines sont devenues des slogans publicitaires à peine déguisés.

J’ai pas de figure emblématique pour cette période, faites-moi un commentaire si vous en avais une !

Et maintenant, que nous reste-t-il ?

Alors, qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi les artistes de jadis semblaient-ils si investis, si exigeants avec leurs textes, alors qu’aujourd’hui, on dirait que les paroles sont là juste pour faire joli ? Peut-être que la musique est à l’image de notre époque : rapide, éphémère, superficielle. Ou peut-être que nous, auditeurs, avons cessé de demander plus.

Les années 2010, c’est le grand bazar musical : un peu de pop, un peu de rap, un peu de n’importe quoi. Tout se mélange, parfois avec talent, souvent avec du scotch et des bouts de ficelle. On ressuscite les années 80, mais en moins drôle, on remixe des vieux tubes pour en faire des trucs encore plus ringards, et on applaudit des artistes qui passent plus de temps à tweeter qu’à chanter. Bref, la France musicale est comme un plat de spaghettis : un gros nœud où personne ne s’y retrouve.

Figure emblématique : Maître Gims, le gars qui porte des lunettes de soleil en intérieur pour mieux voir la médiocrité ambiante.  « Sapés comme jamais… mais pour faire quoi, au juste ? »

La musique française a encore de beaux jours devant elle… enfin, on l’espère

Et maintenant, que nous réserve la musique française ? On ne sait pas trop, mais une chose est sûre : ce ne sera pas mieux. Entre un retour en force des chanteurs pour ados et des DJ’s qui remixent le silence, la France continuera de se chercher, de tâtonner, et surtout, de nous faire rire (souvent à ses dépens). Alors préparez vos oreilles, parce que la prochaine décennie s’annonce… comment dire… aussi mémorable qu’un album de reprises par Pascal Obispo.

La France, ce pays autrefois si fier de ses poètes-chanteurs, est désormais un terrain de jeu pour des créateurs de tubes jetables. Mais qui sait, peut-être qu’un jour, quelque part, un nouveau Brassens ou une nouvelle Barbara viendront nous rappeler que la musique, c’est aussi et surtout des mots.

En attendant, profitons des « nanana »…

David SCHMIDT

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